Comme au théâtre, le off, dans l’édition, c’est le hors programme, le hors circuit, l’imprévu, la surprise, l’ouvrage non attendu mais que l’on va retenir, lire et donner envie de découvrir.
Ce sont aussi tous les genres sans retenue : de la littérature, française ou étrangère, des récits, des documents, de l’économie, de l’histoire, de la géopolitique, des romans policiers, des romans graphiques, de la BD, etc.
Et très important encore : des nouveautés, de nouvelles éditions voire des livres anciens…
Tout un programme mais différent, forcément différent…
Trouvée cet été sur une brocante pour 1€, une pépite ! L'ouvrage écrit par Alain Peyrefitte, ancien ministre du Général de Gaulle, parait en janvier 1983. Moins de deux ans après l'élection de François Mitterrand en mai 81 à la présidence de la République et près de deux mois avant les élections municipales de mars 83 qui amorcent déjà le reflux électoral des socialistes. Ce livre dit tout. L'émergence de la gauche presque sur un malentendu comme les fameuses 110 propositions qui faisaient suite à un programme commun qui avait explosé en plein vol mais dont il fallait garder l'esprit (nationalisation des grandes entreprises industrielles, du crédit et des assurances, etc.), l'envie de changement d'une société peut-être trop corsetée jusque-là, les promesses d'un avenir radieux dont on sait maintenant qu'il s'est fait à crédit. A (re)lire tant les thèmes qui agitent nos débats aujourd'hui étaient déjà en germe à l'époque.
Ecrivain italien né à Naples en 1950 dans une famille bourgeoise mais ruinée par la guerre, Erri De Luca qui rejoindra dans les années 70 des mouvements révolutionnaires dont il s'écartera ensuite, se souvient dans ce petit livre de moments de sa vie, de moments souvent accompagnés de plats, de recettes de son pays. Avec ses souvenirs d'enfance ou de sa vie d'adulte, ses évocations d'odeurs, ses références à des aliments de base comme le pain ou le lait, l'auteur nous fait cheminer dans une Italie d'un passé encore familier et qui parle à tout amoureux de ce pays. Originalité de cet ouvrage. Il est écrit à deux mains, un chapitre en alternance avec un nutritionniste, Velario Galesso. Qui commente, qui détaille, qui rassure aussi sur la richesse des aliments évoqués par l'écrivain. Littérature et cuisine font toujours bon ménage, une preuve de plus !
Une descente au coeur de la gastronomie française chez un ponte de la nouvelle cuisine, Alain Chapel. Un récit extraordinairement bien écrit par une auteure, elle aussi connue, Fanny Deschamps (la Bougainvillée) qui n'est autre que la tante du célèbre cuisinier des années 70. Un récit croustillant paru en 1976 mais qui conserve encore aujourd'hui toute sa fraîcheur.
Publié en 2019, en pleine crise Covid, l'ouvrage d'Olivier Roellinger, le célèbre cuisinier de Cancale, a été remis à l'honneur cet été par son auteur lui-même à l'occasion d'un A Voix Nue diffusé cet été sur les ondes de France Culture. S'il a passé la main à son fils Hugo pour le restaurant et à sa fille Mathilde, Olivier Roellinger raconte ses débuts puis son ascension, par incidents de parcours successifs si l'on peut dire, dans la grande cuisine française, son goût pour les lointains épices et leurs saveur, et cette double passion transmise depuis ses rivages bretons. Hommage aux marins qui dans le passé ont parcouru le monde et ramené leurs trésors. Le cuisinier en profite aussi pour livrer un fort plaidoyer en faveur d'une alimentation saine, respectueuses de son environnement, du vivant, des saisons. Une éducation à entamer et parfaire dès l'école. Un livre-mainifeste. Un délice.
Ecrivain et chroniqueur courageux, observateur impitoyable des évolutions de son pays natal, l'Algérie, désormais interdit de séjour là-bas et réfugié ici, Kamel Daoud a obtenu le prix Goncourt 2024 pour Houris, le récit romancé de cette décennie noire, 1990-2000, qui a vu cette terrible guerre civile faire près de 200 000 victimes. Son héroine, une jeune femme qui voudrait ne pas garder l'enfant à naître qu'elle porte, refait le voyage à l'envers depuis Oran, la ville ou elle exerce comme coiffeuse, vers les hauts plateaux du pays et le village qu'elle a fui au moment des évènements. Comme elle, l'écrivain reprend la route pour revivre les massacres que jeune journaliste à l'époque, il rapportait pour le journal qui l'employait. Un témoignage in situ qui permet à l'écrivain de nous montrer toutes les facettes d'une humanité dévoyée dans laquelle transpirent tout à la fois la bigoterie, la peur, la cruauté, la lâcheté. Mais pas seulement, heureusement. Entre temps, la littérature a fait son oeuvre pour ne pas laisser aux lecteurs qu'un sombre récit sans perspective...
En 1834, sous le règne du roi Louis-Philippe, l'armée réprime durement les émeutes qui après Lyon gagnent la capitale. Le 14 avril, au 12 de la rue Transnonain (62 rue Beaubourg aujourd'hui), tous les habitants d'un immeuble, hommes, femmes, enfants, vont être massacrés. Une jeune femme parvient à s'échapper. Une fille des rues. Elle seule sait ce qui s'est passé. Elle peut parler. Il faut la retrouver. A la manoeuvre, Adolphe Thiers et le déjà terrible Bugeaud. Le préfet de Police lance un de ses agents, Joseph Lutz, à sa recherche qui va aller de découvertes en découvertes, luttant contre l'absence d'indices et sous la pression d'une hiérarchie pressée d'en finir. Les faits se sont vraiment déroulés. Ce moment d'histoire se raconte deux cents ans après à la manière d'un roman policier. L'auteur nous conduit à son dénouement à coups de petits chapitres bien menés, de rebondissements en rebondissements. On ne peut plus lâcher l'ouvrage...