Comme au théâtre, le off, dans l’édition, c’est le hors programme, le hors circuit, l’imprévu, la surprise, l’ouvrage non attendu mais que l’on va retenir, lire et donner envie de découvrir.
Ce sont aussi tous les genres sans retenue : de la littérature, française ou étrangère, des récits, des documents, de l’économie, de l’histoire, de la géopolitique, des romans policiers, des romans graphiques, de la BD, etc.
Et très important encore : des nouveautés, de nouvelles éditions voire des livres anciens…
Tout un programme mais différent, forcément différent…
Il y a tout juste 45 ans, en mars 1980, apparaissait sur les tables des libraires français, Le Monde selon Garp, le roman détonant d'un jeune écrivain américain, John Irving. C'était son 4e roman, le premier traduit dans notre langue. Il allait également assurer à son auteur une large reconnaissance internationale d'autant qu'en 1982 sortait le film éponyme avec un certain Robin Williams dans le rôle de Garp. A travers Garp, né d'une mère célibataire, infirmière, féministe combative et d'un soldat blessé, quasi-mourant, inséminateur malgré lui, John Irving explore déjà tous les thèmes qui jalonnent son oeuvre : pour ses personnages, des naissances forcément chaotiques, des destinées cabossées, des questionnements sur l'identité de genre, la lutte comme pratique sportive quasi exclusive, une fascination pour l'Europe, l'Autriche et Vienne en particulier, des intrigues parfois gentiment absurdes mais toujours drôles et à la morale, s'il en faut une, bienveillante, humaniste. A lire ou relire.
Dans un tout petit ouvrage, à la fois dans ses dimensions (93x14) et son nombre de pages (à peine 48), Victor Hugo livre un réquisitoire féroce contre la destruction systématique des monuments, églises, châteaux, monastères, tout type de bâtiments hérités du passé, parce que laissés à l'abandon et finalement livrés aux marchands de matériaux. Tant de beauté sacrifié ! Il s'agit à l'origine d'une "Note sur la destruction des monuments en France" datant de 1825 plusieurs fois rééditée depuis. Et dans cette version encore, aux Editions Allia en 2020 et de nouveau 2024, sans doute pour accompagner la réouverture de Notre-Dame.
Le petite Sarah Kofman avait 7 ans au moment de la rafle du Vél d'Hiv. Son père, rabbin d'une petit synagogue, rue Duc, dans le 18e arrondissement de Paris, sera arrêté, déporté à Auschwitz, assassiné quelques mois après son arrivée. Sa femme restée avec ses six enfants entre 2 et 12 ans organisera leur évacuation en zone libre. La petite famille habitait 6 rue Ordener dans le même arrondissement. Sarah et sa mère seront recueilli rue Labat par une ancienne voisine. Rue Ordener, rue Labat est le récit de ses années par une petite fille qui adorait la lecture et qui devenue philosophe, spécialiste de Freud, a choisi de raconter cette histoire en 1994 quelques tamps avant sa mort. Le livre est ressorti en septembre 2024 dans une version augmentée.
Plus de cent jours maintenant que l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été arrêté et incarcéré en Algérie. Sa santé est menacée. Il a entamé il y a quelques jours une grève de la faim. Sa liberté de penser, d'écrire, tout simplement de vivre, lui a été retirée. A la fin des années 1990l, il envoie par la poste son manuscrit, son premier, Le serment des barbares, publié en 1999. Tout y était dit. Déjà. La corruption du régime, la montée de l'islamisme, l'impuissance des intellectuels, le fatalisme des populations, la décolonisation qui n'avait rien réglé, la mémoire des évènements plus diverse et paradoxale que ce que l'on raconte encore aujourd'hui. Il reste un livre, un récit au lyrisme éblouissant, fondateur d'une oeuvre à venir.
Un jour, un éditeur reçoit dans son bureau un auteur dont le manuscrit n'a pas été retenu. Le comité de lecture a tranché. Il le lui annonce. Le malheureux sort une arme et se tire une balle. C'est le point de départ de ce roman qui se veut une peinture féroce à la fois des milieux de l'édition, cette "république des lettres" impitoyable, mais aussi de tous ces apprentis écrivains qui veulent faire de leur vie un récit universel censé illuminer leurs futurs lecteurs. Hélas.... Comment les décourager ? En créant un club des "Auteurs Anonymes" sur le modèle de ceux pour alcooliques ou drogués pour les aider à renoncer à écrire comme d'autres à boire ou se piquer...
En 2002, six ans après Le Pingouin, Andreï Kourkov donne une suite à son succès mondial. Avec Les pingouins n'ont jamais froid, nous retrouvons notre journaliste Victor à la recherche de son volatile de compagnon, Micha. Le monde reste toujours aussi absurde et rude. Un monde d'oligarques, de gardes armés, de trafiquants qui va entraîner le lecteur de Kiev à Moscou jusqu'en Tchétchénie où les combats font rage. Cette suite est plus noire encore. C'est plus que jamais le portrait d'une Russie cynique, corrompue, violente. Russie ? Oui, notre héros, même citoyen Ukrainien, est considéré comme Russe aux confins de l'ex-empire. Tout est là.