LIvres Off 2021 : Au menu, les frontières, les nouveaux défis de la géopolitique, l’innovation.

Publié le jeudi 30 décembre 2021

L’Atlas de frontières : murs, conflits, migrations, les enjeux d’aujourd’hui cartographiés. C’est un livre d’images que les auteurs, Delphine Papin, docteure de l’Institut de géopolitique qui dirige le service cartographie-Infographie du journal Le Monde, Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation de la recherche stratégique, et Xemartin Laborde, cartographe au journal Le Monde, nous invitent à feuilleter. Des textes courts pour résumer les enjeux mais surtout des cartes à toutes les pages avec angles de vue originaux, des décrochages éloquents. Des infographies qui nous aident à tracer le récit de tous ces murs qui s’érigent, ces routes qui s’ouvrent, sur terre ou sur mer, ces reliefs qu’elles contournent.

L’Atlas des frontières par Delphine Papin, Bruno Tertrais et Xemartin Laborde (Les Arènes)

Les guerres invisibles : sous l’effet de la pandémie, le monde continue de s’affoler. Dès les premières lignes de cet ouvrage signé par Thomas Gommart, directeur de l’Institut français des relations internationales (Ifri), nous sommes rattrapés par l’actualité : la Covid19 signe le point de bascule entre l’occident et l’orient. Plus que la présidence Trump qui a révélé l’affrontement sino-américain, la pandémie qui frappe depuis la fin 2019 va modifier les équilibres entre Asie et Occident… Un livre divisé en deux grandes parties : ce qui est visible (Conflits, Environnement, Commerce et Inégalités ) et ce qui n’est pas visible (Numériser, Innover, Dissimuler, Contrôler). Il y a même un épilogue intitulé La France en quête d’une stratégie.

Les guerres invisibles, nos prochains défis géopolitiques par Thomas Gomart (Tallandier)

Innover en plein chaos : ou comment de situations impossibles faire émerger l’avenir. L’auteur, Jean-Baptiste Colas, Officier de terre, est diplômé de l’Ecole Militaire Interarmes et de l’Ecole Centrale de Paris. Il a été conseiller innovation à la DGA, a travaillé au ministère de la Défense puis des armées et œuvre aujourd’hui au sein de l’Agence de l’innovation de défense. Comme l’histoire le fascine, il se sert du récit de grands événements pour éclairer plusieurs processus d’’innovation qui les ont précédés. Faire le lien entre le passé et l’avenir permet surtout de dégager de grands enseignements. Ce n’est pas un livre de recettes. Plutôt un livre initiatique sur les ressorts de l’innovation.

Innover en plein chaos par Jean-Baptiste Colas (Nuvis Editions)

L’argent magique : une leçon inaugurale à l’adresse de tous ceux qui pensent qu’une dette ne se rembourse pas. Jean-Marc Daniel est professeur d’économie à l’ESCP Business School. Il est aussi un habitué du plateau des Experts, émission quotidienne du matin de BFM Business. Notre homme est plutôt… cash. L’argent public, l’argent facile auquel nos économies semblent désormais tout à fait accommodées ne peut pas être un puits sans fond. D’une manière ou d’une autre, il devra être remboursé. La maîtrise, pour ne pas dire la réduction drastique, des dépense publiques nous sortira des griffes d’un endettement perpétuel, d’une perte potentielle de nos actifs, de notre indépendance et sans doute de tous nos « avantages acquis ». Une leçon d’économie - pour mémoire – d’autant plus efficace qu’elle est claire, digeste et sans appel.

L’argent magique par Jean-Marc Daniel (Le Cherche Midi)

La crise de l’abondance : bas carbone, maîtrise des monnaies et des dettes, revenu universel. François-Xavier Oliveau, associé d’Initiatives et Finances, (capital investissement), dans un essai un peu provocateur, montre que depuis deux cents ans l’humanité sort à grande enjambée de la misère, du sous-développement, de la rareté. Les révolutions industrielles - et de l’énergie – ont produits leurs effets bénéfiques. Nous ne sommes pas en crise, nous sommes surabondants ! Nous avons mis la planète en coupe réglée. Nos surproduisons, nous surconsommons, nous nous surendettons… Enfin, le constat vaut pour les économies occidentales. Les pays en voie de développement n’ont pas achevé leur parcours vers l’abondance mais ça ne saurait tarder. Le réchauffement climatique est l’ultime crise de cette abondance… La décroissance n’est sans doute pas la bonne solution pour cette part de l’humanité qui n’a pas encore accédé à nos facilités. Alors comment maîtriser et modérer cette inflation de tout ? En découplant croissance et impacts environnementaux aux courbes trop parallèles. C’est l’objectif de cette économie bas carbone dans laquelle la planète s’est engagée. Mais l’économiste ressort dans toutes ses pages consacrées à l’argent, aux poids des monnaies, aux facilités de dettes perpétuelles qui alimentent cette course à la croissance. Et vient l’idée qu’il demande d’examiner : la création d’un « dividende monétaire » (sorte de revenu universel ?) distribué aux citoyens (via les banques centrales). Extraits : « Donner de l’argent aux consommateurs, quand on veut contrôler le niveau des prix, c’est une idée censée. On évite ainsi de transiter par des billes immobilières ou financières et on impacte directement les prix à la consommation. » et ceci : « on libère l’outil de la dette de son rôle contre-nature, celui de stabiliser le niveau des prix. Elle peut désormais être consacrée à sa seule mission légitime, financer l’économie... ». Un dernier chapitre enfin sur la révolution numérique qui consacre la fin du travail (ou la limitation du temps qui lui est dévolue) et on en arrive à la prédiction d’un autre découplage, travail-revenu… Le débat sur le revenu universel est d’autant plus relancé que la Covid a ouvert la voie au « quoi qu’il en coûte » pour soutenir l’activité et les entreprises.

La crise de l’abondance par François-Xavier Oliveau (Les Editions de l’Observatoire)

Le jour où la Chine va gagner : le multilatéralisme pour sortir de la chronique du conflit annoncé Chine-Etats-Unis. Dans nombre d’articles consacrés cette année à la Chine, cet ouvrage a été remarqué. Ecrit par Kishore Mahbuba, un diplomate singapourien qui a notamment occupé un poste d’ambassadeur aux Nations Unies jusqu’en a présidé un temps le conseil de sécurité, il acte définitivement le conflit qui opposera durablement la Chine aux Etats-Unis. Donal Trump a vendu la mèche, pour ne pas dire qu’il l’a allumée, Joe Biden ne l’éteindra pas, à supposer seulement qu’il l’ait voulu puisque lui-même reconnait que son pays est engagé « dans une compétition extrême » avec Pékin. Dans son avant-propos, l’auteur commence par évoquer… l’Europe - Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, signe d’ailleurs la préface du livre.- pour dire d’emblée que la Chine ne fera pas partie de ses « défis stratégiques ». L’Europe sera confrontée à une géographie plus immédiate, l’Afrique, dont la poussée démographique (2,5 milliards d’habitants en 2050 ? 4 milliards en 2100 ?) ne permettra guère d’alternative : des mouvements migratoires plus ou moins maîtrisés selon que le développement économique de ce continent permettra de les juguler. Les Etats-Unis, eux-mêmes confrontés à ce front Pacifique avec la Chine dans leur viseur, n’offriront pas les mêmes garanties de secours que durant le XXe siècle. Le XXIe siècle signe le basculement du Monde. Les Etats-Unis seront seuls. L’Europe aussi. A moins que… des hommes et des femmes de bonne volonté ne s’emploient à tisser des liens entre tous les protagonistes de cette histoire entre trois continents, Eurasien, Américain et Africain. Au-delà de la géographie, la démographie toujours peut prétendre expliquer ce renversement des lois de la gravitation, si l’on peut dire : 1,4 milliards d’habitants en Chine, 300 millions en Amérique du Nord. Mais le plus impressionnant est là : en 1950, le PIB des Etats-Unis, en parité de pouvoir d’achat, représentait 27.3% du PIN mondial et celui de la Chine, 4,5%. Presque 70 ans plus tard, en 2018, les Etats-Unis pèsent 15% de ce PIB mondial contre 18,6% à la Chine. Certes, la Chine le partage en plus de parts. En termes de pouvoir d’achat par individu, les Etats-Unis ressortent encore en tête. Mais pour combien de temps ? Pourront-ils continuer à financer le confort de leurs ressortissants, leur innovation civile, leurs dépenses… militaires ? Comment supporteront-ils dans le temps la comparaison avec la Chine ? Le livre analyse plus que les forces et les faiblesses des uns et des autres : leurs erreurs stratégiques respectives. Côté Chine, les exigences en matière de transfert technologique, la dureté des relations sur le terrain avec les entreprises étrangères, une préférence locale plus ou moins affichée ont fini par « agacer » les investisseurs ; Côté US, une stratégie assez erratique pour prendre la mesure des ambitions chinoises, une plongée trop précipitée dans une guérilla douanière, des façons de faire peu « diplomatiques » qui plus jeté le discrédit sur l’Amérique que vraiment inquiété les dirigeants chinois. L’auteur déroule tous les thèmes qui agitent les débats sur les relations sino-américaines : la Chine est-elle vraiment expansionniste ? La démocratie est-elle un concept pour elle . Les Etats-Unis peuvent-ils faire demi-tour ? Qui dans le monde pour Sarbitrer le duel ? Une chance : si Donal Trump a dérouté les chancelleries comme les milieux d’affaires de par le monde Xi Ji Ping ne bénéficie plus de la même mansuétude (même relative) dont ont pu peut-être bénéficier ses prédécesseurs. Le match n’est sans doute pas plié…

Le jour où la Chine va gagner par Kishore Mahbubani (Editions Saint-Simon)

Chine-Europe, le grand tournant : la Chine, pays plus ouvert à condition d’aimer le rapport de force. Installé à Hong-Kong depuis 2012, David Baverez partage son temps entre le financement de diverses start-ups et ce qu’il appelle « la compréhension des disruptions liées à l’émergence de la Nouvelle Chine ».. Dans ce nouvel ouvrage, l’auteur renouvelle une vision qu’il veut prophétique : la Chine et l’Europe gagnerait beaucoup à faire un « Grand Pont » en avant l’une vers l’autre. Il y a cette Chine nouvelle qui fascine tant l’auteur. Une Chine jeune, dynamique, techno, beaucoup plus ouverte à l’occident que ne le montrent ses dirigeants

Chine-Europe, le grand tournant par David Baverez (le Passeur Editeur)

L’Inde, une société de réseaux : un esprit communautaire face à l’individualisme occidental. C’est dans l’émission Affaires Etrangères (animée par Christine Ockrent tous les samedis matin, 12h) – L’Inde : les raisons d’une catastrophe - que nous avons découvert ce dernier ouvrage de Sandrine Prévot, ethnologue et chercheure, spécialiste de l’Inde. L’inde, ce pays rival de la Chine, ne serait-ce que par une taille de population identique (1,4 milliards d’habitants) mais si différent… Dans son préambule, l’auteure indique le point de départ de son travail : si dans les sociétés occidentales contemporaine, l’individualisme se pose en valeur, à l’inverse, l’Inde se caractérise avant tout « par son sens de la relation ». Ce pays « donne la priorité à la famille et aux réseaux », une organisation sociale dont l’individu peut difficilement s’échapper et encore moins le remettre en cause. L’ouvrage aborde en neuf chapitres bien des aspects de cette société multiculturelle (démocratie et rapport au sacré, conception de la famille et interdépendance, position des femmes et relations hommes/femmes, les castes, l’importance du mariage, la transformation du monde politique, etc.). Trois chapitres retiendront l’attention parce qu’ils traitent plus particulièrement d’économie et de l’entreprise : environnement économique et inégalités sociales, réseau et clientélisme dans les relations professionnelles, relations hiérarchiques dans le travail et… violence. La société indienne est traversée de tendances contradictoires. Une démocratie sans aucun doute mais qui enregistre aussi des tendances populistes, un ensemble à la fois ouvert et fermé, très éloigné et très proche de nos propres sociétés, en Europe ou en Amérique du Nord. Cette autre partie de continent eurasien fascine autant que sa voisine et rivale, la Chine.

L’Inde, une société de réseaux par Sandrine Prévot (Editions de l’aube)

La (re)localisation du monde : quand le made in local succèdera au made in monde. La 3ème phase de la globalisation du Monde est apparue dans les années 1990. Outre la chute du mur de Berlin et la fin de l’empire soviétique, c’est surtout l’avènement du container, de la fibre optique et de l’Internet qui la désigne. Les deux premières phases sont loin (la découverte du nouveau monde peu avant le XVIe siècle et la révolution industrielle du XIXe). Mais attention, le 4e temps a sans doute déjà commencé : c’est celui du retour au local… Avec quelques nuances cependant. Ecrit par Cyrille P. Coutansais, directeur de recherche au CESM (Centre d’Etudes Stratégiques de la Marine) et publié par les éditions du CNRS, le livre fait remonter à une dizaine d’années ce mouvement de relocalisation (ou réindustrialisation) dont tout le monde parle désormais. Et si la Covid n’y était pour rien ? La pandémie et les blocages dans les activités comme les échanges qu’elle a entraînés aura plutôt servi de révélateur. Après avoir vu dans la mondialisation des opportunités de développement (achats low cost d’une part et croissances des marchés d’autre part), les entreprises auraient saisi très vite les avantages de trois nouveaux phénomènes : l’arrivée de la robotique et du numérique dans les usines (automatisation rime avec standardisations des coûts), l’essor des énergies renouvelables donc locales et enfin, le recyclage des matériaux offre des matières premières de proximité. Il serait donc désormais possible voire même souhaitable d’introduire une dimension régionale sinon locale à la mondialisation. En réalité, ce sont probablement de nouvelles zones de coopération qui vont s’ouvrir. Le numérique va aussi rebattre les cartes. Le schéma Gafam en Amérique du Nord et fabrication en Asie à faibles coûts de main d’œuvre a sans doute vécu. A l’ère de la data, les initiatives seront beaucoup plus réparties. Les relocalisations seront globales ou ne seront pas.

La (re)localisation du monde par Cyrille P. Coutansais (CNRS Editions)

L’illusion de la finance verte : entre produit marketing et conte de fées… Les premières pages du livre donnent le ton : et si à la suite de la crise des subprimes de 2008, les banquiers comme les financiers, tant décriés pour leur légèreté, ne se seraient pas empressés de créer ce concept de finance « verte » pour faire oublier leurs errements passés ? Une super opération de « greenwashing » alors que rien n’aurait changé dans cet univers ? Un hommage de plus à la formule de Lampedusa (le guépard) : « il faut que tout change pour que rien ne change ! ». Autrement dit, quand on admet que le but des financiers, c’est de produire de l’argent avec de l’argent, comment considérer – et même démontrer – qu’il existe des investissements plus vertueux que d’autres, des promesses de rendement compatibles avec des objectifs de limitation de la « dérive climatique » ? Contresens à l’insu destinataires sinon des protagonistes eux-mêmes ? Miroir aux alouettes ? Pire que ça : la finance « verte » apparait au mieux comme un produit marketing afin d’attirer des clients échaudés par le séisme de 200, au pire comme… un conte de fées ! Le principe peut faire rêver mais aucune théorie, aucun modèle scientifique ne pourrait, en gros, venir étayer l’efficacité revendiqué par certains. Voilà résumé (à grands traits) ce qu’énonce, Gaël Giraud, directeur de recherche au CNRS, dans sa préface d’un livre co-écrit par Julien Lefournier, un ex-banquier, et Alain Grabdjean, Président de la Fondation Nicolas Hulot et membre du haut Conseil pour le climat. Peste (in Les tontons flingueurs), l’heure est grave et n’est pas à la diplomatie ! En soulignant les trois grandes fonctions des marchés financiers (échanges de liquidité, échanges de risque, valorisation des actifs), nos auteurs campent le décor. Au moment où les entreprises comptent (!), pour la décarbonation de leurs activités, sur les forces conjointes des Achats (évaluation des fournisseurs) et des Finances (mesure des performances attendues), quels critères retenir et comment évaluer leur impact réel ? La réponse est presque dans la question. La finance ne pourra pas se transformer seule de l’intérieur. Pas plus que les Achats ne peuvent, seuls, décider des besoins et des engagements d’une entreprise. Ce que l’on comprend, c’est qu’une coopération la plus large et partagée possible sera nécessaire. A condition de ne pas faire preuve de naïveté sur les intentions réelles. Attention ! Ce livre ne propose pas de méthode. Il détaille les ambigüités, les manquements. Chacun doit faire « sa part » mais la main (verte !) de l’Etat devra aussi se faire sentir pour indiquer la bonne direction. L’Etat, c’est nous, le climat aussi !

L’illusion de la finance verte par Alain Grandjean et Julien Lefournier (Les Editions de l’atelier)

Sans cartes ni boussole : notre monde a changé, il est urgent de diriger autrement. L’art de diriger subit un bouleversement profond : digitalisation à marche forcée, responsabilité sociale et environnementale omniprésente, pression politique et juridique, puissance des réseaux sociaux. Comment trouver des dirigeants capables de répondre à ces accélérations intenses ? Il est urgent de faire émerger des réponses nouvelles : 40 % des patrons du CAC 40 ont changé en deux ans. Le leader du futur doit penser différemment, se reconnecter avec le vivant et passer du « bien faire les choses » à « agir avec justesse ». Sans cartes ni boussole est le fruit d’années de recherche et de dialogue avec des dirigeants de tous horizons. L’ouvrage propose une réflexion sur l’autorité, la responsabilité de celui qui l’exerce, et offre de nouvelles manières de diriger et de se développer à un public large de leaders dans de nombreuses sphères : entreprises, associations, politique, territoires, éducation, santé…

Sans cartes ni boussole par Marc de Leyritz (Buchet Chastel)

La France sous nos yeux : l’archipel français, saison 2. Vous avez aimé l’Archipel français (Seuil, 219), le livre de Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion à l’IFPOP ? Nous aussi ! Nous l’avions sélectionné dans notre Livres Achats 2019… Deux ans plus tard l’auteur (qui court toujours les plateaux de télévision) récidive. Cette fois en collaboration avec un journaliste, Jean-Laurent Cassely (L’Express, Slate.fr), il va explorer d’encore plus près le paysage français, nos modes de vie, notre économie et disons-le nos transformations. Il y a toujours ces chiffres, ces cartes pour appuyer la démonstration et la rendre implacable. Mais cette fois-ci, les deux auteurs livrent un récit. C’est encore plus écrit, au sens plus décrit, plus raconté, plus vivant. Ils prolongent la courbe en quelque sorte. Notre monde a changé. Nous sommes passés des usines aux zones logistiques, des chaines de fabrication aux entrepôts, nous y suivons « l’ouvrier de la logistique qui a remplacé l’ouvrier d’usine ». Les Gilets Jaunes ont quitté les centres villes gagnés par la spéculation immobilière. Les parcs d’activité ont glissé à l’arrière-plan, Les centres commerciaux et les parcs de loisirs ont garni la périphérie des villes, une périphérie gagnée par l’étalement urbain et ses pavillons désormais dénoncés sans nuance par le pouvoir politique parisien… D’une société industrielle (pourtant récente), nous avons muté vers une société de services. Défilent aussi dans ces pages, les employées des Ephad, les externalisés du service, les télétravailleurs qui promettent de devenir, pour certains, ces freelances si tendance qui gagnent les campagnes pour pouvoir vivre et produire autrement, les startupers des métropoles, les grands déplacés qui bousculent les territoires, les familles monoparentales, les banlieusards dont les plus capés finissent par sortir des grands ensembles pour rejoindre des zones pavillonnaires dont les habitants ont gagné les campagnes, etc. Vous suivez ? Ce n’est plus seulement la description d’un archipel mais d’un patchwork (dixit les auteurs). La fascination de l’Amérique fonctionne encore mais d’autres références « culturelles » gagnent via les fringues (la mode des pauvres), la world bouffe (idem) à coup de tacos ou de kebab quand le Manga a peut-être détrôné la BD franco-belge ou les comics d’outre-Atlantique. Bref, voilà un ouvrage très séreux qui se lit (presque) comme un roman. A lire pour comprendre avant d’acheter ce qui se consomme, où et comment.

La France sous nos yeux. Economie, paysages, nouveaux modes de vie par Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely (Seuil)

Le puritanisme vert : l’écologie, encore plus conservatrice qu’il n’y parait ? C’est la découverte de cette fin d’année ! Un ouvrage d’autant plus inattendu qu’il propose une lecture de l’écologie plutôt iconoclaste. Vous pensez l’écologie, en tout cas son expression politique, plutôt « de gauche » ? Raté ! Elle pourrait aussi avoir des racines dans « le puritanisme anglo-saxon conservateur »… Ce n’est pas un illuminé de la pensé écolo qui produit cette thèse mais un très sérieux géographe, chercheur, Philippe Pelletier, spécialiste d’autre part du Japon et d’Elysée Reclus. Non pas un tenant de la pensée libérale, a priori, mais plutôt un libertaire. Quand on prend ce livre, on se dit que l’on fonctionne à front renversé et que l’auteur veut nous entrainer à penser différemment un sujet aux contours réputés connus. Si nous revenons à l’intuition de cet ouvrage, il s’agirait de montrer en quoi l’écologie « punitive » (qui a envahi de nos jours tous les champs de la pensée et de l’action) avec « ses injonctions de tous ordres (alimentaires, comportementales) pourrait remonter aux émigrants protestants qui au début du XVIIe siècle ont débarqué en Amérique via New-York. Littéralement « chassés du paradis »,eux et leurs descendants se seraient dès lors employés à recréer leurs « jardins », et, en se projetant, à multiplier les parcs naturels, à prédire aussi une manière d’apocalypse à ne pas suivre ces préceptes de protéger (conserver) l’état de nature. Evidemment, envisager les conservateurs (ou une partie d’entre eux) comme les premiers écologistes des temps modernes, a de quoi faire frémir. Mais pourquoi pas, après tout, si ça permet, même le temps d’un diner en ville, de résister à « l’écologisme » ambiant, aux grands manitous autoproclamés du développement durable qui font feu de tout bois pour traquer nos déviances environnementales. Pourvu que l’on ait un peu le temps de… débattre sereinement.

Le puritanisme vert par Philippe Pelletier (Le Pommier)

La géopolitique tout simplement : une explication du monde en grand format à ranger dans la catégorie Beaux livres. C’est encore dans Affaires Etrangères (émission sur France Culture), décidément, que ce livre nous a été présenté. Ecrit par Pascal Boniface, directeur-fondateur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et Anne Sénéquier, médecin psychiatre, chercheur à l’IRIS (elle a travaillé sur des problématiques urbaines, environnementale, santé et géopolitique), ce livre initie à la géopolitique en abordant tous les grands sujets qui ont fait, qui font et qui feront l’actualité de notre monde. Le propos a été découpé en trois grandes parties : une partie historique (Monde bipolaire, Guerre froide, Décolonisation, Détente, Nouvel ordre mondial, etc.), une partie régionale (France, Europe, Etats-Unis, Russie, Asie, Chine, Afrique, Monde arabo-musulman, etc.), une partie thématique (Démocratie, Climat, Guerres, Terrorisme, Santé publique, Tourisme, Monde cyber, etc.). C’est aussi un livre illustré, dessiné plutôt, et de fort belle manière (Fagostudio). Un livre de photos d’histoire en noir et blanc. Sans oublier d’indispensables cartes. Ce parti-pris d’une infographie particulièrement soignée rend le contenu très digeste pour aborder des sujets complexes au travers de textes de qualité. Dernière qualité et non des moindre : il peut être lu en famille. Ou comment expliquer simplement ls enjeux du commerce international et du multiculturalisme.

La géopolitique tout simplement par Pascal Boniface et Anne Sénéquier (Editions Eyrolles)



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