Essai

Faire l'Europe dans un monde de brutes

Publié le mercredi 27 décembre 2017

Le politique reconverti veut rappeler la force du projet européen pour faire face au quatre crises que doit affronter l’Union européenne : la crise du Brexit qui ne sera pas sans conséquences, la crise économique dont nous ne sommes pas encore sortis, la crise du terrorisme qui menace partout, la crise migratoire conséquences des multiples affrontements au Moyen-Orient et sur le continent africain. Pour Enrico Letta, que l’on pourrait presque définir comme un européen de… naissance, puisque, originaire de Pise, il a grandi à Strasbourg (son père y enseignait les mathématiques à l’université), il y a également débuté sa carrière au contact de dirigeants emblématiques (Helmut Kohl, Jacques Delors), l’Europe n’est pas un slogan. C’est plus que jamais une nécessité pour que les 28 pays de l’Europe puissent affirmer un destin commun au milieu des appétits russes, américains, chinois alors que la planète doit aussi faire face à une augmentation de sa population, à des bouleversements environnementaux, à des mutations économiques.

Des valeurs à affirmer

Si l’on doit parler de relance du projet, c’est bien sûr le couple franco-allemand qui doit la porter. Mais tous les autres acteurs y auront également leur part. C’est aussi un italien qui s’exprime et - est-ce malgré lui - il souligne le rôle de son pays et de ses ressortissants (dont Romano Prodi, ancien président de la Commission européenne, Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne) dans cette construction. Il donne quelques pistes : déjà, faire en sorte que les responsables politiques assument davantage leur européen plutôt que de se réfugier derrière le prétexte des institutions, ensuite, (re)développer une vision commune où chacune des composantes pèsera d’un poids équivalent, conduire une véritable démarche d’intégration, faire sans doute évoluer les représentations pour qu’elles incarnent enfin l’ensemble, au-delà de l’union monétaire, réaliser une nécessaire union économique, et de la même façon que l’on a su mettre en place une banque européenne, se doter maintenant de fonds communs pour mener des projets de développement transverses, des débats déjà dans l’air du temps mais qui reste à aboutir…

Intégration en amont

Enrico Letta remet en perspective les trois phases de l’Europe selon : la première, c’était sa création, la seconde, le choix d’une monnaie unique, la troisième fera valoir l’attractivité et la force de ses valeurs pour pouvoir exister aux côtés des autres grandes régions du monde portée par des démographies plus fortes (Amériques, Asie, Afrique). Des droits de l’homme à la protection de l’environnement et du patrimoine en passant par la laïcité (au sens dialogue entre les différentes cultures et spiritualités), la représentation démocratique, l’Europe peut continuer à s’affirmer. Les premières phases de l’Europe ont généré une perception de ses actions plutôt économiques, le mouvement ne devrait pas s’arrêter là mais ce que l’on comprend, c’est que l’avenir de l’avenir de l’Europe sera encore plus politique, forcément politique. La dernière partie de l’ouvrage fait des propositions pour essayer de résoudre la crise migratoire. Parmi celles-ci, une nouvelle politique d’accueil des migrants avec notamment cette idée d’une répartition plus équilibrée des demandes entre tous les pays. Encore une fois, une vision revendiquée à 360°, harmonisée, intégrée très en amont (depuis les pays de départ). Un concept qui aura sans doute des résonnances pour nos lecteurs.

Retenons enfin ce proverbe lu au détour des pages : “Si tu veux aller vite, agis tout seul ; si tu veux aller loin, agis ensemble avec les autres”. Prochaine échéance pour les peuples européens : les élections de son assemblée en 2019. Le temps est compté pour une réflexion décisive sur le futur de l’Europe, ensemble économique, politique unique dans l’histoire.