La grande histoire vue de la mer
Publié le jeudi 28 décembre 2017
L’histoire des hommes vue de la mer, c’est le récit de migrations, de transformations, d’échanges, de territoires conquis, d’innovation multiples, et pas seulement dans la technique mais dans les façons de commercer, de mondes qui s’effondrent tandis que de nouvelles routes s’ouvrent, de création d’entreprises dont beaucoup, au fil des siècles, ont permis de bâtir ce que l’on appelle mondialisation aujourd’hui. Une mondialisation qui a commencé sans doute avec la découverte quasi simultanée, entre 1492 et 1498, de l’Amérique et de nouvelles voies vers l’Inde. Quand les échanges entre l’Europe et l’Asie se détournent des ville et des régions méditerranéennes par où ils passaient jusque-là pour gagner l’atlantique, l’histoire de la planète bascule. Alors que les Espagnols, les Portugais, les Britanniques, les Hollandais et plus tard les Français imposent “leur primauté sur le transport maritime”, la Chine, elle, renonce à poursuivre ses entreprises sur les mers qui la bordent. Elle reste centrée sur elle même. Qui sait ce que nous serions tous devenus si ses dirigeants avaient opéré des choix inverses ? De nos jours, le grand pays veut-il rattraper le temps, reprendre sa place de première économie du monde en investissant dans un réseau de ports tout autour du monde ? En recréant deux nouvelles routes de la soie, l’une par la terre (réseaux routiers et ferroviaires), l’autre par les mers ?
Plongée dans l'histoire
Cette plongée (!) dans l’histoire nous rappelle que la maîtrise des mers a toujours été un enjeu, quelles que soient les civilisations, les pays, dans leur volonté de se développer. Avant que leurs terrains de jeux ne se déplacent vers l’Atlantique et le Pacifique, la Méditerranée a été longtemps un théâtre de combats et de dominations successives d’une rive à l’autre. La Méditerranée qui reste plus que jamais aujourd’hui un point de bascule entre deux continents, l’Europe et l’Afrique, avec un Moyen-Orient en arbitre bien malgré lui. Bien malgré nous. Au-delà des conquêtes géographiques, la mer, c’est aussi l’écriture d’un droit maritime, qui a vu, à l’époque moderne, un premier partage du monde, entre Espagnols et Portugais, de même que deux conceptions juridiques opposer Anglais et Hollandais, Mare clausum (1635) pour les premiers, qui revendiquent une mer fermée pouvant appartenant à des pays, une réponse à Mare liberum (1609), les seconds, qui eux projetaient plutôt une mer ouverte à tout le monde. A la manoeuvre, non pas deux aventuriers mais deux juristes. John Selden l’Anglais contre Hugo Grotius, le Hollandais.
Penser et infléchir
“Qui contrôle la mer commande le commerce; qui contrôle le commerce contrôle le monde”, l’explorateur Sir Walter Raleigh (1552 ou 1554-1618) avait bien résumé les principes de cette domination. Au 21e siècle, alors que les glaces fondent au pôle Nord et promettent l’ouverture de nouvelles voies maritimes aux appétits Américains, Chinois, Européens, Japonais, Russes, qui seront les nouveaux maîtres de ce nouveau monde ? Et si la prédiction de ces nouvelles conquêtes est avérée, qui remettra en perspective ces développements économiques à l’aune des grands principes du développement durable qui émergent (presque) au même moment. Dans sa préface, Jean-Louis Etienne risque ce terrible raisonnement : “Souvent, on pense en terrien quand on parle de climat, alors que l’Océan est immense, il représente 70% de la planète.” Pourvu que nos conquérants du futur ne s’affranchissent pas de leur responsabilités sur l’environnement en songeant qu’ils ont de la marge. Puisque l’activité des hommes ne serait pas pour tout dans les évolutions du climat. Ces avis existent aussi. Nous ne le savons que trop. Pourvu alors nous puissions peser suffisamment pour imposer que l’on ne fasse pas sur les 70% restants ce que l’on a déjà produit sur le tiers de notre planète. L’ouvrage donne de la matière à penser et sans doute à infléchir...