Essai

Sursaut

Publié le jeudi 14 novembre 2024

Vingt ans après, la France qui n'en finit pas de tomber

Ce ne sont pas les débats à l'Assemblée sur le budget 2025 qui vont rassurer les observateurs sinon nos créanciers. Un spectacle pitoyable, un concours Lépine des hausses d'impôts mais jamais pour la baisse des dépenses publiques. De toute façon, le volet recette a subi un vote rejet, le sénat d'abord puis une commission mixte paritaire se prononceront sur le texte initial proposé par le gouvernement. Des hausses d'impôts il y aura mais des coupes dans les dépenses ? L'avenir le dira mais attendra surtout. L'instabilité politique domine là où il faudrait une prise de conscience sérieuse, un consensus puissant pour remettre dans le droit chemin non seulement nos finances mais aussi la cohésion sociale du pays. Attention à l'archipel français tandis que les arrières-pensées et les atermoiements risquent de dominer au moins jusqu'à la prochaine présidentielle. Pourrons-nous attendre avec notre mur de dette, une Europe politique éclatée avec un conflit à nos frontières, une Russie qui rêve de reconstituer son empire au-delà de l'Ukraine, des Etats-Unis sur le départ, prêts à déclencher une guerre économique avec l'Union Européenne et surtout la Chine ?

Pour Nicolas Baverez, le constat est imparable. La France court à sa perte, finance un bien-être factice par toujours plus de déficits et de dettes, des dépenses plus orientées fin de mois qu'investissements d'avenir. Ecole, justice, santé, défense, rien ne va plus. L'auteur se répète souvent d'un chapitre à l'autre. La pédagogie, c'est l'art de la répétition. Mais ces leçons finiront-elles par être sues ? Et le redressement engagé ? Le sursaut reste possible. L'auteur propose plusieurs pistes. Un plan au moins décennal à commencer par une réduction de la dépense publique de 25 milliards d'euros par an entre 2025 et 2028 pour revenir dans les normes des traités européens, un alignement du régime des retraites du secteur public sur celui du secteur privé, une réduction des effectifs de la fonction publique d'Etat (250 000 postes en sureffectifs), une rationalisation du millefeuille territorial (250 000 postes à économlser là encore), un recentrage sur les grandes missions régaliennes déjà évoquées, un engagement vers la performance plus que vers des services a minima pour tous, etc. Repenser l'Etat mais assurer aussi la concorde civile que l'on sent partout fragilisée. Une feuille de route pour le moins ambitieuse mais dans le passé, le pays a connu d'autres moments difficiles. Le sursaut nécessaire pour échapper à la fatalité du déclin. A lire. Tous les chiffres y sont.


Extrait

« La maladie de langueur qui accable l'économie française est structurelle. Elle découle d'un modèle de décroissance à crédit insoutenable. Il cumule la chute de la natalité et le vieillis-sement, la désindustrialisation (9% du PIB), le déclassement de la recherche (2,2 % du PIB contre 3,5 % aux États-Unis), l'effondrement des services publics de l'éducation, de la santé, des transports, de la police et de la justice, la paupérisation de la population, le surendettement public et privé. La seule source de soutien d'une activité en voie de dépérissement provient de la demande artificielle nourrie par les transferts de l'État qui culminent à 34% du PIB.

L'enfermement de l'économie française dans le piège de la stagnation n'a rien de fatal. Il est la conséquence d'une longue suite d'erreurs de politique économique qui ont détruit la dynamique de la croissance : la relance keynésienne dans un seul pays en 1981, aggravée par les nationalisations, la retraite à 60 ans, la réduction du temps de travail et la cinquième semaine de congés payés - toutes décisions qui mirent notre pays aux portes du FMI; la sanctuarisation du secteur public qui fut le contrepoint de la libéralisation du secteur privé à partir du tournant de la rigueur de 1983; les stratégies du franc fort puis de l'euro fort qui ont ruiné le tissu industriel régional et le Mittelstand français; la loi des 35 heures qui réduisit le volume et la productivité du travail; le choix d'un modèle économique fondé sur la consommation financée par la dette favorisée par le passage a la monnaie unique, dette qui s'est substituée à l'inflation pour servir de variable d'ajustement aux chocs.

Emmanuel Macron a poussé ce modèle à ses ultimes limites en endettant la France de près de 1 000 milliards d'euros depuis 2017, non pour financer la réindustrialisation, la révolution numérique, la transition écologique ou le rearmement, mais pour distribuer du pouvoir d'achat fictif au nom du slogan « quoi qu'il en coûte ». Loin de baisser les impôts et de simplifier, il a déversé un déluge de taxes et de normes sur un tissu productif exsangue. Sous couvert de start up nation, il a sapé les filières d'excellence française, depuis l'industrie nucléaire à l'agriculture en passant par la santé, l'automobile ou la construction. »

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