Essai

Bienvenue en économie de guerre !

Publié le lundi 07 octobre 2024

Géostratégie et économie de guerre

Le quatrième livre de David Baverez va secouer les « ayatollahs » de l’Environnement, du Sociétal, et de la Gouvernance balayés par les adeptes du nouveau triptyque Energie, Sécurité, Guerre. Comment l’auteur en est-il arrivé à cette conclusion ?

Le contexte géopolitique bien sûr. Après l’épisode de la Covid, le retour de la guerre en Europe avec l’agression de l’Ukraine par la Russie bouscule un occident dont on ne cesse de prédire la fin. Les États-Unis ont les yeux rivés sur la Chine et ses ambitions sur Taïwan et sur le domaine maritime asiatique. Le conflit Etats-Unis-Chine aurait même débuté ici en Europe au point de « Yéméniser » notre continent. Un néologisme pour dire un affrontement à distance par le truchement du conflit russo-ukrainien. Attention à ne pas se faire le porte-parole des thèses du Kremlin en citant sans précaution, Sergei Karaganov, le doctrinaire de la désoccidentalisation du monde, “l’architecte intellectuel de la ligne dure du Kremlin” selon la revue Le Grand Continent (Gallimard).

David Baverez milite aussi en faveur d’un rapprochement entre spécialistes de la géopolitique et représentants du business. Il est un bon porte-parole de ces derniers, investisseur lui-même et de longue date installé à Hong Kong.

Le changement de cap économique majeur de la Chine, privilégiant le contrôle de ses grandes entreprises par le pouvoir central, les exportations industrielles massives plutôt que le développement de la consommation intérieure aura des conséquences sur les chaînes d’approvisionnement. La nécessité de passer en économie de guerre doit inciter à se préoccuper d’énergie (coût/approvisionnement/conséquences environnementales), de sécurité (risques/approvisionnement) et de guerre (concurrence, innovations, nouveaux marchés). Le passage en mode pénurie signera le déclin des modèles fabless et zero stock. En période d’inflation, approvisionnements et stocks redeviennent clés de même qu’un pilotage plus orienté création de valeur. Une nouvelle guerre froide verraient les États-Unis se réserver les technos du 21e siècle (le digital) et la Chine se cantonner à celles du 20e siècle (la production de masse de commodités, comme l’automobile).

Voilà un récit dynamique, disruptif, avec nombre de références sur fond d’enjeux technologiques (semi-conducteurs, panneaux solaires, batteries, IA, services en ligne, etc.), de perspectives démographiques contrastées (dynamisme américain, vieillissement chinois) et d’une quadruple crise mondiale : crise énergétique, crise démocratique et sociétale, crise de l’endettement, crise environnementale.

Le livre s’achève sur quelques perspectives : la fin du « Enrichissez-vous » pour la Chine au profit d’un état fort et guerrier, un avenir d’hyper puissance technologique et militaire pour les Etats-Unis, un risque de déclassement économique et sociétal pour l’Europe droguée de dépenses publiques. Mais l’histoire n’est jamais finie…