Essai

Chine-Europe, le grand tournant

Publié le jeudi 20 mai 2021

En route pour le « Grand Pont » en avant

Installé à Hong-Kong depuis 2012, David Baverez partage son temps entre le financement de diverses start-ups et ce qu’il appelle « la compréhension des disruptions liées à l’émergence de la Nouvelle Chine » qui l’a conduit à écrire plusieurs ouvrages sur le sujet :  Génération tonique – L’Occident est complètement à l’Ouest (Plon, 2015), Paris-Pékin Express – La Nouvelle Chine racontée au futur Président (Francois Bourin, 2017). Dans ce nouvel ouvrage, Chine-Europe, le grand tournant, David Baverez fait à nouveau la promotion de cette Chine nouvelle qui le fascine tant. Une Chine jeune, dynamique, techno, beaucoup plus ouverte à l’occident que ne le montrent ses dirigeants et en particulier son Président, Xi Jinping. A celui-ci empêtré dans ses postures défensives notamment vis-à-vis notamment de l’Amérique, les cinq experts mis en scène dans l’ouvrage opposent bien sûr une critique féroce à son mode de gouvernement.

Si le président Chinois s’est, dit-on, mis à dos l’ensemble du monde lors du dernier Davos, sous le plume de David Baverez, il ne cale pas ! Peu de contrition sur la catastrophe de Wuhan à l’origine de la Covid, rien sur le Xinjiang et les Ouïghours. De même, les manifestations de Hong Kong sont réduites aux effets d’une spéculation immobilière qui étrangle sa jeunesse éduquée. Quant au peuple Chinois, ses attentes en matière de vie privée n’ont rien à voir avec celles de l’occident. Le principe de la notation sociale via les réseaux serait plutôt vu comme des opportunités d’insertion plutôt que d’exclusion. L’argument est connu : un bon citoyen n’a rien à craindre. La fragilité du système financier Chinois (mais sans doute les occidentaux n’ont-ils rien à leur opposer sur le sujet) est également relativisée. Le président Xi Jinping défend l’interventionnisme en la matière de son pays, ses investissements dans la technologie, ses villes du futur, sa transition écologique, etc. Il met en avant ses équivalents GAFAM, les BATX (même s’il les met aussi au pas), les monopoles ne sont pas bien vus là-bas non plus), ses grandes marques, son e-commerce social protecteur des citoyens-consommateurs…

Coopération mais pas dépendance

Au fil des échanges, les experts occidentaux vont cependant valoir les failles de cette assurance un peu surjouée. L’indépendance technologique du grand pays n’est pas si certaine, la liberté et la créativité des européens pourraient l’inspirer. Comme les relations Chine-Amérique ne seront plus les mêmes pour longtemps, il faudrait tout faire pour éviter la « distanciation sociale » entre la Chine et l’Europe. Rapprocher les deux grands côtés du continent Eurasie dans un esprit de coopération et non pas de dépendance. Le livre recèle de chiffres et fournit bien des clés pour décoder les positions chinoises, fermes à première vue mais pas sans perspective pour qui sait écouter.

David Baverez sait qu’il court le risque d’un côté de paraître « vendu » au PPC et de l’autre d’être promis à l’exclusion sociale sinon l’expulsion version Pékin. Il le dit drôlement. Il se réjouit en tout cas de contribuer à combattre pas mal d’idées reçus sur la Chine. Un pays plus ouvert qu’il n’y paraît. A condition d’argumenter et d’aimer le rapport de force. De vouloir commercer en quelque sorte. A lire tous les cas. Et n’oubliez pas : il s’agit aussi d’une trilogie. La mode est aux séries : relisez les saisons 1 et 2.