Les enfants Boetti
Publié le mardi 26 avril 2022
Un contemporain et énigmatique voyage en Italie
L’auteur raconte un séjour romain où pendant quelques mois il occupe un appartement que sa propriétaire lui laisse le temps de ses absences. Elle revient de temps à autre et lui fait le récit de son enfance, de ses parents, de son frère surtout mais aussi d’une amie de la famille, une jeune anglaise qui autrefois a séduit le père, la mère, le frère et la sœur avant de disparaitre. Sandro, Patti, Ada et Angelo. Un étrange quatuor. C’est l’été. Nous sommes à Pigneto, un faubourg de Rome, à l’est « où les maisons bancales gardaient leurs volets fermés, se camouflaient dans des gris et de beiges pâles ou s’écartaient dans des impasses exiguës… ». La magie fonctionne, nous sommes bien en Italie. L’auteur nous entraine dans une étrange atmosphère. La figure de la jeune anglaise s’impose en arrière-plan du récit. On pense à Pasolini, à un Théorème au féminin ou comment une personnalité belle et mystérieuse va vamper à sa façon une famille ordinaire, sans histoire jusqu’à ce que….
Le temps a passé. Les parents sont morts, le frère et la sœur se sont éloignés l’un de l’autre. Ils se retrouvent parfois à Londres ou Angelo travaille désormais comme pizzaiolo au milieu d’autres italiens. D’ordinaire, les romans racontent plutôt le voyage de vieilles aristocrates anglaises de Londres à Rome ou Florence. Là, c’est un voyage à l’envers. L’histoire d’une diaspora de l’Italie contemporaine vers l’Angleterre. Est-ce une clé pour comprendre cette longue quête ? Sans doute pas. Le livre fonctionne à la manière d’un thriller. Des confidences, des questions, des bribes d’explications, des impressions, de nouvelles pistes qui s’ouvrent mais n’aboutissent pas toujours. L’intrigue s’épaissit plus qu’elle ne s’éclaircit.
Au tout début, nous descendons vers le Colisée en traversant « les rues tour à tour désertes de San Lorenzo », autre quartier de Rome, « longer les complexes monstrueux de l’université, de la Bibliothèque nationale et de la polyclinique » ; « passer à côté de catacombes, entrer dans les jardins immenses de la Villa Borghese et contourner le jardin zoologique. » Puis, à la suite d’Ada, nous partons vers Margate, une ville côtière du sud-est de l’Angleterre avec de rejoindre Naples depuis Rome « dans un train filant à travers les causses gris de la Basilicate », de là embarquer vers l’ile de Funaro et finir par arriver « dans les ruses austères de Bloomsbury », une banlieue de Londres où se situe Vecchia Italia, le restaurant où exerce Angelo avant de s’installer chez lui, dans une maison, à Nunhead, autre banlieue accessible par la gare Victoria. Entre temps, de nouveaux personnages ont fait leur apparition pour distraire sinon enrichir l’intrigue.
De longues phrases colorées, musicales nous entraînent toujours plus loin, cette fois jusqu’au bord d’une falaise, de retour sur l’Ile de Funaro, vers une petite maison dans la garrigue, à la recherche des restes d’une camera blu, œuvre ultime – peut-être un nymphée - de cette artiste anglaise dont tout le monde recherche le souvenir. La nostalgie domine. Nous ayons voyagé : « En chemin, je me suis assis quelques instants sur une pierre ensoleillé, au bord de l’eau, d’où je voyais les mouettes voltiger… ». Dernière page ou presque : l’auteur nous laisse imaginer, seuls, la suite. Une belle histoire sans fin, qui ne révèle aucun mystère, ne livre aucune explication du monde mais reste très bien écrite.